🎙 Interview - "Une bonne histoire, c'est une histoire que l'on ressent" avec Noel-Tien - artiste & illustrateur de jeux videos
🎙 Interview BILS premium du mois d'Octobre.
Les parallèles entre la création visuelle et la création éditoriale sont nombreux et peu surprenants.
La créativité, au delà même de l’art, est le propre de chacune de nos vies.
Elle permet de résoudre des situations complexes, des problématiques du quotidien, de trouver des itinéraires bis, des alternatives, des voies parfois salutaires mêmes.
C’est pour cette raison que la créativité est souvent aiguisée dans la contrainte. Face à l’imprévu, sous pression temporelle, spatiale, émotionnelle, on se retrouve vite poussés dans ses retranchements. Trouver une nouvelle solution devient la seule solution.
On n’a simplement pas le choix.
Parfois la page est blanche et semble ne jamais pouvoir se remplir à nouveau. Parfois des lettres ou des tâches de couleur apparaissent. Et un nouveau dess(e)in se forme.
Voici la vision, le parcours, les convictions, la force et les vulnérabilités mises à nu d’un artiste-illustrateur sensible et talentueux, dans l’univers des jeux vidéos.
Noel-Tien va vous faire changer de perspective sur vous-mêmes et sur le monde.
Et forcément débloquer ces quelques verrous persistants de votre quotidien.
PS : les portes du coaching créateur BILS sont à nouveau ouvertes pour le mois de novembre (questionnaire maïeutique; décryptage de vos territoires d’expression; de votre voix; de votre ton et coaching Linkedin pour vous installer tels que vous êtes dans l’Agora du web).
Communication créative
BILS : Commençons fort Noel-Tien, tu dis dans ta bio Linkedin que l'art est “un outil de communication puissant quand il est bien utilisé”
Qu'est-ce que tu désignes quand tu parles d’art ? (disciplines, métiers, univers, etc.)
Et surtout, comment l’art pourrait-il être a contrario : “mal utilisé” 🧐 ?
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Noel-Tien :
Ha oui on commence fort en effet!
Ici, l’art désigne surtout le domaine du divertissement en général :
les jeux vidéos ou de société,
les films et séries Netflix
ou Cartoon Network, qui ont sûrement aidé beaucoup d’entre nous à passer les longs mois de confinement.
Ces produits sont créés par des équipes de designers, de développeurs, des marketeurs et des artistes. Elles comptent une myriade de métiers dans un même département!
Si tu es déjà restée lire les crédits d’un film Pixar ou du jeu Animal Crossing, tu t’en es déjà sûrement rendue compte.
[NDLR : non jamais :) Pixar à la rigueur mais pour le reste, je suis aux antipodes du monde des jeux videos !]
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La fourmilière des départements artistiques
Dans le département artistique on compte par exemple :
des concepts artists qui explorent une idée abstraite de façon visuelle pour trouver la meilleure façon de la communiquer à une audience.
Exemple de Concepts créés pour un prototype de jeu mobile. Le but était de rendre fonctionnel un camion de pompier pour le joueur.
On trouve aussi des background artists,
Des layout artists,
des artistes d’effets spéciaux,
des artistes techniques, Artistes 2D ou 3D... (ce sont beaucoup de termes anglais, je l’admets).
Chaque métier a ses spécificités et s’occupe d’une partie de la production d’un film ou d’un jeu. Il y en a pour tous les goûts.
Certains artistes créent même des visuels incroyables à partir de formules mathématiques ! (Sur Instagram ou Twitter, osez explorer #Nodevember).
C’est tout cet écosystème que je considère quand je parle d’art.
Je ne crois pas que l’art puisse être “mal utilisé”, je préfère parler de son “utilisation réfléchie” avec le terme “wisely” que j’emploie souvent.
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de s’exprimer en art.
Chacun a la sienne et toutes sont valables et méritent d’être écoutées.
Dans le domaine du divertissement en revanche, l’artiste participe à une œuvre collective et répond à un besoin spécifique de la production. L’artiste doit penser aux utilisations de ses dessins.
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Loin de l’ego trip : la collaboration artistique est au coeur de la réussite d’une production de jeu video
L’intervention d’un concept artist par exemple n’est pas juste de transposer de jolies idées sur papier. Elle doit permettre de donner vie à une pensée abstraite pour la communiquer au reste de l’équipe. Les dessins du concept artist inspirent l’équipe, ils donnent une direction aux départements dans le processus de production.
Un artiste 3D devra alors suivre ce plan pour savoir comment sculpter un personnage.
Un animateur devra savoir exactement quelles sont les expressions, les comportements à retranscrire à l’écran. etc.
La cohésion d’équipe permet de fluidifier la communication entre les départements, ce qui in fine permet d’économiser le budget alloué en évitant des changements de cap soudains en pleine production.
L’art devient un outil de communication puissant quand on lui donne une intention et un contexte.
Comme avec l’écriture il me semble, on peut inonder les réseaux de bruit ambiant, ou on peut faire passer un message via ses écrits.
J’essaye en tout cas de pousser mon trait en ce sens.
Signature Gaming
BILS : Chez Bend it Like Socrate, on parle souvent de “signature” (éditoriale en l’occurrence). C'est la griffe qui fait qu'un créatif ou une personne sort du lot, parce qu'on la reconnaît. Ton univers à toi, c'est celui des jeux vidéo.
Comment est-ce que tu décrirais ta signature singulière ? Ce qui fait qu’une illustration de Noel-Tien n'est pas l’illustration d'un autre ?
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Noel-Tien : Alors là. Si je le savais…! Je serais curieux d’avoir ton avis dessus.
C’est difficile pour moi de répondre à cette question de façon claire et concise parce que …
J’ai longtemps pensé que mon style artistique était inexistant et propre au jeu vidéo.
Je crois que de l'intérieur, c’est très difficile de se rendre compte exactement de qui l’on est et de ce que l’on dégage.
Ce n’est que depuis mon retour en Europe il y a 2 ans que je commence à définir cette griffe. Peut être que ma signature n’est pas à voir sous un angle unique d’ailleurs ?
On perçoit tous le monde différemment, au travers d’un prisme qui nous est propre.
Pour un employeur ou un client : mon travail est marqué par l’importance de la communication avec l’équipe artistique et une connaissance complète de la production d’un jeu vidéo.
Pour moi, c’est plus la somme de mes expériences de vie, ma perception du monde et des autres qui comptent.
C’est ma vie en fait, elle est unique.
Je suis le seul à apprécier mon travail sous cet angle là. Donc personne d’autre ne peut émuler mon travail ou l’apprécier de la même manière que je l’apprécie.
De la même façon, je suis incapable d’apprécier mon travail comme toi, tes lecteurs ou mes amis le verraient.
Mon ancien manager parlait de : “vision tordue du monde qui laisse une marque forte (mais pas de manière péjorative)”. J’aime beaucoup cette phrase.
Peut-être que pour résumer, ma griffe serait mon besoin de communiquer efficacement ma perception du monde par l’image. Sans forcément rechercher l’esthétique à tout prix mais plutôt l’émotion suscitée chez le spectateur.
J’ai conscience d’avoir un style très reconnaissable. Mais en quoi il l’est ? Je me pose encore la question… Y réfléchir ici m'aura déjà aidé à y voir plus clair!
[NDLR : puissance maïeutique 💙 !]
L’écoute à la racine de tout ?
BILS : Tu parles d'une compétence (ou d’un art ?) essentiel en communication : l’ÉCOUTE.
Tu précises qu'il faut être capable de :
s'écouter soi et l’autre ;
ce que l'on veut accomplir;
les émotions que l'on veut déclencher ;
chez qui,
et finalement pour les aider à découvrir quoi.
On pourrait faire un parallèle avec l'art de la plume et le copywriting.
Je n’aime pas les “templates créatifs” (un oxymore à mon sens). Réussir son illustration ou son texte c'est être à la croisée des niveaux d'écoute que tu mentionnes. Beaucoup oublient d’ailleurs le premier : s’écouter soi.
Si on reste dans la pure exécution ou dans la recherche constante de productivité, on ne peut rien raconter de bon.
Est-ce que tu peux nous expliquer comment tu es parvenu à mettre la lumière sur cette vision de l'écoute ?
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Noel-Tien :
Je suis tout à fait d’accord avec ça, savoir qui on est permet de diriger une histoire avec laquelle on se sent bien.
C’est d’ailleurs un des facteurs déterminants pour un artiste de trouver sa voix et la partager au monde.
Dans mon domaine, on ne se sent jamais assez bons pour se lancer.
[NDLR : pas que dans le tien, je te rassure :)]
La concentration sur notre technique de dessin et les 10000 heures de pratique pour enfin pouvoir se lancer dans la vie professionnelle sont les maîtres mots.
On cherche avant tout à montrer notre valeur, notre différence, sortir du lot. Et pourtant on se replie sur notre condition. La seule partie que l’on laisse émerger, c’est notre art.
Pourtant, comme tu le dis si bien :
“Réussir son illustration ou son texte c'est être à la croisée des niveaux d'écoute”.
J’ai passé beaucoup de temps dans des petites équipes, sur des projets courts où la communication et la polyvalence étaient requises.
Je devais être capable d’expliquer mon point de vue, mes dessins, à d’autres personnes, d’autres départements, parfois artistes, parfois développeurs ou managers.
L’écoute est devenue indispensable.
Sans elle, je ne pouvais pas proposer de travaux efficaces, mes dessins pouvaient être intéressants, mais inutilisables par mon équipe.
Discuter avec eux, connaître leur façon de penser, de travailler, m’initier à leur domaine pour me rendre compte de la réalité de leur métier m’a permis d’adapter mes travaux pour faciliter la production.
Le statut de freelance m'a forcé sur cette voie aussi.
Cela peut d’ailleurs sembler naïf ou même irresponsable de se lancer en tant qu’indépendant sans avoir aucune notion de vente et de relation client ou de communication, et une base de clients proche de zéro: c’est pourtant ce que j’ai fait.
J’ai longtemps cru que clients et qualité de mon travail étaient corrélés.
Ma priorité était donc d’avoir un produit parfait (la qualité de mon trait) pour ensuite le présenter à une audience.
Puis j’ai découvert le marketing et son approche totalement opposée à savoir de trouver le marché - avant - de développer un produit.
J’ai suivi des formations, cherché des ressources en ligne, des livres, et enfin, j’ai commencé à interviewer des gens.
A les écouter.
J’ai tendu l’oreille. C’est dur.
Surtout avec une bonne grosse dose d’anxiété sociale, mais ça en vaut tellement la peine!
Aujourd’hui je me rends compte un peu mieux des liens que créent le dessin.
A quel point une œuvre d’art lie les gens entre eux pour peu qu’on écoute l’artiste qui crée l’illustration, le client qui en fait la demande, la famille qui achètera le jeu et pourra créer des souvenirs à partir de celui-ci.
Au final, j’ai peut être développé ma vision de l’écoute en me posant la question :
“Pourquoi les gens achètent-ils mes dessins?” (et je n’ai pas fini de chercher!)
Territoires d’expression : le défi BILS
BILS : puisque nous venons de faire un premier parallèle entre ton art visuel et l’art éditorial, j'aimerais te proposer un jeu !
Quand j'accompagne des free-lances ou entrepreneurs, créateur etc. dans leur stratégie éditoriale je leur demande toujours de réfléchir à leurs “territoires d’expression”.
Tu le sais comme moi : si on parle de tout à tout le monde, on ne parle en fait de rien à personne.
Cartographier les territoires sur lesquels on s'exprime permet d'être beaucoup plus impactant que de tergiverser d'un sujet à l'autre selon le sens du vent. Les anglo-saxons parleraient ici de “consistency”.
Si tu devais définir 3 ou 4 sujet qui te passionnent, sur lesquels tu es légitime ou en capacité d'apporter de la valeur à ton audience et qui l’intéresse, ce serait lesquels. (exemple : la nature; le gaming; le voyage; l’éco-féminisme; la biodiversité; l’art numérique; la BD; etc.)
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Noel-Tien :
1 - L’art dans le jeu vidéo
Comme tu l’auras probablement deviné, parler de l’art dans le jeu vidéo, l’animation et son rapport au monde et au marketing sont des sujets qui me passionnent!
Je ne me sens pas spécialement légitime sur des sujets comme le marketing, en revanche je le suis quand il s’agit de chercher et de fouiller un sujet. J’aime savoir comment les choses fonctionnent et leur rapport au monde. Comment tout se connecte d’une façon ou d’une autre.
2 - “Modder” (Repimper/Tuner) des vieux jeux videos :)
Récemment je me suis mis en tête de “modder Skyrim". Skyrim étant un jeu vidéo de 2011 dans lequel tu te balades et vis des aventures dans un univers fantastique peuplé de trolls et de dragons.
“Modder” signifie : modifier le jeu avec du contenu créé par la communauté.
C’est l’équivalent du tuning de twingo version jeu vidéo (s’il y a des joueurs de skyrim parmi vous, j'espère n’avoir froissé personne en comparant skyrim à une twingo).
J’aime beaucoup cette activité parce qu’elle n’a de surface rien à voir avec l’art, ou les relations sociales. Pourtant, en creusant un peu (beaucoup en fait...), les principes de base du modding - [NDLR : “modifying] - peuvent s’appliquer à la résolution de conflits sociaux ou à une meilleure compréhension de certains traits psychologiques liés à l’art (comme ressentir de l’empathie envers mon cactus Sam, mort déshydraté trop tôt).
C’est une autre de mes passions et probablement celle qui les lie toutes : essayer de creuser un domaine pour en découvrir les principes de base et ensuite tester ces principes dans un autre domaine éloigné (souvent c’est l’art).
[NDLR : je vous renvoie au point 44 des notes du notes du livre d’Ann Handley qui après des décennies d’expérience dans le marketing et l’edito, conseille d’utiliser les codes ou concepts d’un univers tierce pour les appliquer au sien. C’est selon elle le meilleur moyen d’innover sans avoir à réinventer la roue. Elle cite par exemple Hubspot qui s’est inspiré de l’univers de magazine people pour présenter son rapport annuel - a priori horriblement boring - en un contenu enthousiasmant ! Si, si ! ]
3 - L’amour pour les détails du monde : un vaste territoire d’expression
J’ai tendance à marcher TRÈS lentement et à m'arrêter à chaque pétale de fleur, à chaque caillou intéressant sur un trajet.
Parfois, c’est la lumière qui passe au travers d’une feuille, ou la formation de glace dans le congélateur.
Souvent, je passe juste mon temps à contempler. Jusqu'à me demander : “Pourquoi?”
Pourquoi les étoiles scintillent dans le ciel ?
Pourquoi le chat de ma copine me cligne des yeux ?
Pourquoi le morceau de glace que j’ai trouvé forme des petits bâtonnets chelous? Et là je vais devoir trouver la réponse et creuser le sujet.
4 - Les nouvelles technologies
En dehors du domaine artistique, je suis fortement attiré par les nouvelles technologies.
La Réalité virtuelle (VR) et son impact dans la production vidéoludique.
Les technologies Blockchains (Bitcoins etc) et comment elles s'intègrent dans le marché du jeu vidéo et de l’Internet petit à petit
ou encore l’évolution du jeu vidéo et le développement des jeux indépendants.
Ils semblent commencer à aborder des thèmes plus profonds que ceux communément connus du grand public (je pense notamment à des jeux comme Céleste, Spiritfarer ou Abzu).
Tous ces thèmes permettent d’aborder l’art sous un angle différent, et d’éviter de garder une vision étroite de son domaine.
La force d’une communauté de pairs
BILS :
Tu m'as parlé de ta “communauté d'artistes”.
Est-ce que tu peux me dire où elle se (re)trouve? Qui l’anime ? Comment vous interagissez et les bénéfices de cette communauté pour vos travaux respectifs ?
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Noel-Tien :
Ah la fameuse!
Je suis présent sur une communauté d'artistes francophones animée par une fine équipe d’illustrateurs sur Discord (un équivalent à Slack ou Teams). Elle est plutôt axée sur l’édition (livres pour enfants, couvertures) mais pas que, on y retrouve aussi des artistes dans le jeu vidéo, l’animation, des étudiants…
C’est un groupe de chat avec qui discuter et progresser ensemble en échangeant nos ressources, nos expériences, ou juste passer un bon moment à dessiner ensemble lors d’une visio conférence.
Apprendre des autres et leur permettre d’apprendre de nos propres expériences est très enrichissant! Particulièrement dans le domaine du divertissement, encore très mal connu car en évolution rapide. On est vite confus par les termes utilisés dans les métiers, parfois identiques alors que leur réalités sont différentes (comme character artist qui est un métier radicalement différent dans l’animation et le jeu vidéo).
Avoir des professionnels présents pour discuter des nuances de l’industrie est une richesse pour les étudiants ou même les professionnels en quête d’apprentissage ou de reconversion.
Le souci avec nos métiers, c’est de souvent rester cloîtré chez soi, travailler seul face à son ordinateur de longues heures et d’avoir une vie sociale limitée.
On se retrouve aussi face à certains problèmes propres aux métiers d’artistes et à leurs statuts administratifs.
Avoir une communauté avec qui échanger, parler librement de ces problèmes pour y trouver une solution ou du support est une aide précieuse.
Cette communauté m’aide à prendre du recul sur certains sujets, à m’ouvrir à d’autres idées, façons de penser et rencontrer des gens très intéressants, aux parcours variés.
“Storytelling” ou…”Telling stories” ?
BILS : ce mot “storytelling” est si essentiel et pourtant si galvaudé.
Il aura suffit de quelques individus au langage creux et au storytelling médiocre pour que la plupart des gens le voient comme quelque chose de futile et de manipulateur. L'auteure Anne Handley explique dans son livre '“Everybody Writes” qu'il faut :
1. Raconter une histoire vraie
2. Raconter une histoire plus grande que soi.
Le storytelling est vraiment au cœur de ton activité. Tu en parles partout. Ta mission est de mettre tes talents d'illustrateur au service des histoires de tes clients.
Et j'ai été marqué par une de tes phrases : “une bonne histoire c'est une histoire que l'on ressent”.
Ça fait quoi de ressentir une histoire?
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Noel-Tien :
On la vit.
C’est ressentir le danger d’une situation et éprouver de l’empathie pour le personnage. C’est avoir des étincelles dans le ventre, un peu comme dans un état de transe. C’est voir le monde au travers des yeux du personnage et sortir de l’aventure changé.
Comme le héros de l’histoire.
Je ressens une histoire quand je suis transporté dans son univers.
Quand j’entends le bruit des vagues, le silence d’une nuit, l’odeur d’un matin après une nuit blanche en rentrant de soirée.
Quand j’ai l’impression qu’une partie de moi est avec le héros de l’histoire ou l’auteur.
Que son expérience réveille des souvenirs de ma propre histoire et me permettent de les vivre à nouveau sous un angle différent. C’est pleurer à gros sanglots devant “Sur la route de Madison” ou “Vaiana”.
Pour ressentir une histoire, on doit pouvoir se connecter à son auteur.
Je disais plus tôt qu’on ne pouvait pas apprécier une œuvre de la même façon à cause de nos parcours de vie uniques. En revanche, on peut partager des émotions et des expériences !
Ressentir une histoire c’est avoir une ouverture sur la personnalité de l’auteur, qui il est vraiment, ses vulnérabilités. Une histoire ressentie est une histoire racontée avec ses tripes.
Un dessin n’a pas à être parfait pour faire pleurer, rire, crier.
En revanche, il doit être vrai, venir de soi, de ses expériences de vie, de ses douleurs et de ses moments de joie. La technique vient ensuite supporter le message et le sublimer.
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Quand au terme “storytelling”, je le découvre avec l’univers du marketing.
Pour moi, il a la connotation dont tu parles: futile. Bien que beaucoup de mes préjugés sur le marketing aient radicalement changé, j’ai toujours du mal avec le jargon “qui fait bien”.
Les exemples que j’ai pu trouver me semblent sonner creux, comme des plats réchauffés au micro-onde ou le 20e épisode de Star Wars. Comme un dessin sans intention. Un dessin cool. Avec un design solide, une technique solide, fait d’une main de maître mais … froid.
Le copywriting n’est pas la chasse gardée…des copywriters
BILS : Je trouve le copywriting de ton site super bon. En fait si tu n'avais pas posé les bons mots tu aurais pu te rattraper avec ton joli book mais ce ne serait pas pareil. Tu n'as pas juste placardé un book de visuels à faire défiler. Tu as écrit ta vision et tes accroches noir sur blanc. Ou blanc et violet sur noir en vrai. Et j'ai adoré. Je crois que j'ai aimé ton copywriting bien plus que celui de certains copywriters en fait. Peut-être parce que tes mots sont tout simplement justes.
Ton accroche est une vraie proposition de valeur : “Donnez une personnalité à votre jeu”
Ton sous-titre fait appel aux sens : “Faites ressentir votre univers à vos joueurs.”
On comprend sans avoir à scroller que tu dessines pour le monde des jeux vidéo, que tu cherches à embarquer les joueurs dans un univers singulier et sensoriel et que chaque jeu peut et doit être une œuvre à part entière.
3 détails qui n’en sont pas :
En copywriting, c'est là qu'intervient souvent la section des bénéfices associés à la proposition de valeur initiale.
C'est ce que tu fais mais plutôt sous l’angle du conseil et de la projection.
Du conseil : parce que tu fais des recommandations d'emblée à tes lecteurs (“ne pas chercher des artistes mais des illustrateurs”, “s’associer à des créatifs qui ne cherchent pas à faire prédominer leur art sur les besoins réels du client”, “utiliser l’art comme levier d’attraction de nouveaux joueurs”)
De la projection : parce que tu les fais visualiser les résultats auxquels ils pourraient s’attendre en quelques mots seulement. J’adore. (“une empreinte visuelle forte distingue un jeu parmi les autres en faisant appel aux émotions”, “c’est un moyen de donner le ton”, “c’est un levier de communication qui fait la différence”)
Et quelques illustrations plus tard, tu termines avec un court paragraphe sur toi.
Tout en bas de la page.
Le créateur après la création.
Impact et Humilité.
Comment as-tu conçu l’empreinte éditoriale de ton site ?
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Noel-Tien :
Merci beaucoup pour ces compliments!
Je ne suis ni un marketeur, ni un copywriter.
Pour être honnête, j’écris comme je parle, je n’ai pas de bases solides en écriture, encore moins en anglais littéraire !
J’ai conçu l’empreinte éditoriale de mon site actuel en me reposant sur les savoirs d’experts.
Formation en marketing
J’ai eu un très bon professeur. À force de creuser dans le marketing, j’ai découvert une personne extraordinaire, je me suis inscrit à ses cours et j’ai suivi la méthode du mieux que je le pouvais : Louis Grenier de “Everyone Hates Marketers”.
Cette formation m’a appris les bases, aujourd’hui je les pratique en espérant trouver une voix claire, vraie pour moi-même.
Et puis, travailler dans le jeu vidéo m’a montré l’importance d’écouter et de communiquer dans un milieu professionnel. Découvrir le marketing m’enseigne comment le faire correctement.
Inspiration de copywriters
Je me suis inspiré aussi de copywriters comme :
Pedro Cortes et Johanna Wiebe,
Kayleigh Moore.
J’ai aussi commencé à lire ton blog et celui d’Hanna Grochocinska que tu as interviewée.
La meilleure source d’apprentissage : les gens !
J’ai passé beaucoup de temps à interviewer, à enregistrer les entrevues, à les analyser…
Et puis, affiner sa connaissance de soi en continu…
Comme on en parlait tantôt, s’écouter est important, mais ce n’est pas quelque chose qui vient instantanément parce qu’on l’a décidé. En tous cas pour moi. C’est une exploration personnelle qui prend du temps, une cartographie du territoire comme tu le mentionnais.
D’ailleurs mon site change constamment, au fur et à mesure que je découvre le marketing et mon audience. Je découvre aussi qui je suis, ce que je j’aime faire et ce que je veux faire.
Le site de Noel-Tien côté pratique
Pour le design du site web, j’ai découvert Webflow et j’ai créé le design en collant ensemble des bouts de différents templates de sites existants.
J’ai adapté la copy [NDLR le texte] au design du site aussi, pour gagner du temps.
C’est loin d'être parfait, surtout en termes d'expérience utilisateur, mais à force de le bidouiller, je devrais réussir à avoir quelque chose de correct.
Être un créatif indépendant veut-il dire être un créatif libre ?
BILS : Pour conclure j'aimerais que tu me dises ce qui a changé de passer du salariat au freelancing.
Si tu te sens plus libre et plus “impactant”; depuis que tu es : indépendant ?
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Noel-Tien :
Ce qui a changé, c’est une liberté d’esprit.
J’avais besoin de rentrer en Europe pour prendre soin de moi, de ma santé mentale et physique.
Comme beaucoup d’artistes, j’ai choisi le freelancing un peu par défaut, avec un service (mon style artistique et mes compétences), sans comprendre le marché. Un choix très impulsif!
Donc plus libre, oui, j’ai pu prendre du temps pour découvrir les réalités du freelance, découvrir ce que je voulais faire et pourquoi choisir le freelance.
J’ai aussi pu trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle.
Prendre le temps de me poser des questions qui comptent comme “Pourquoi le freelancing ?”; ”Pourquoi gagner de l’argent ?”; ”Quelles sont mes priorités ?” etc.
J’aime bien trop le monde pour passer le plus clair de mon temps à le regarder au travers d’une vitre. Ou garder mes découvertes pour moi. Devenir indépendant me donne l’opportunité de m’exprimer pleinement, sans chaînes.
Enfin ça, c’est la vision utopiste et géniale d’être indépendant.
La réalité, c’est qu’être libre, d’un coup, c’est se retrouver nu dans le noir.
Mon premier réflexe était de trouver des vêtements, un interrupteur, reconstruire le confort que j’avais dans un studio, me recréer cette cage dorée qui m’apportait de la sécurité pour revoir le monde au travers d’une vitre. Un peu plus grande peut-être ? Mais une vitre quand même.
Le challenge je trouve, c’est d’accepter d’être nu, toujours dans le noir et de continuer d’avancer.
C’est accepter qui on est, nos défauts, nos qualités et les partager tels quels.
C’est mettre de la couleur dans le monde grâce à nos côtés bizarres ou mignons, ce sont nos différences qui rendent la vie si riche!
Cette dernière année m’a beaucoup appris sur moi, sur mon métier, sur ce que je voulais faire exactement. Mon positionnement a beaucoup évolué depuis mon passage en freelance.
J’apprends encore à me montrer et à m’accepter.
Mais, “impactant” ? Je ne le pense pas. Et puis “impactant”, ça sonne un peu comme un coup de poing.
J’aimerais plutôt me sentir comme un feu de camp autour duquel on raconte des histoires et on grille des marshmallows, feudcampant ?
Où trouver Noel-Tien :
Son site web qui prends forme (anglais): https://www.tienart.com/
Son Instagram “pro” et son Instagram photos si vous êtes plus nature
Son profil Linkedin
Autres ressources 💎 :
L’interview BILS d’Hanna Grochocinska et son profil Linkedin
Les notes du livre “Everybody Writes” d’Ann Handley - Partie I (28 clés); Partie II (16 clés)