Missive Bend It Like Socrate (aka BILS)

Share this post

Faux semblants

missivebils.substack.com

Faux semblants

"Nous portons tous des masques" 🎭

Marie
Jul 19, 2022
12
Share this post

Faux semblants

missivebils.substack.com

ChĂšre lectrices, Chers lecteurs,

Les gens ne sont pas toujours ce que nous croyons.

Vous ĂȘtes-vous dĂ©jĂ  dit que vous aviez jugĂ© quelqu’un un peu vite ?

Nous le faisons tous quotidiennement. Nos journĂ©es sont remplies de micro jugements. Ce serait d’ailleurs inhumain de vouloir contrĂŽler les frasques de notre cerveau. Mais nous avons quand mĂȘme de la marge de manoeuvre.

Nous pouvons et nous devons exercer notre volonté en décidant quoi faire de ces 1001 pensées que nous émettons constamment sur les autres.

Rien, du bien ou du mal. Evitons le dernier :)

Cette prise de conscience sur nos pensĂ©es puis un entraĂźnement actif Ă  les alchimiser, est important pour construire si ce n’est pour sauver le monde complexe dans lequel nous vivons.

Certains parlent de bienveillance, d’autres de soin.

Je veux vous parler de coeur.

Missive Bend It Like Socrate (aka BILS) is a reader-supported publication. To receive new posts and support my work, consider becoming a free or paid subscriber.

Laissez-moi vous raconter une courte histoire...

Cet aprĂšs-midi vers 15h30, je brĂ»lais dans ma petite Nissan Micra en direction d’un laboratoire mĂ©dical.

J’avais rendez-vous pour un examen d’imagerie obtenu le jour mĂȘme.

Sur la route, le vivant autour de moi me semblait beau et abattu Ă  la fois. L’herbe Ă©tait jaune. Les tourterelles volaient bas, un peu sonnĂ©es. Presque dĂ©sorientĂ©es. J’ai cru que l’une d’elles allait raser le toit de mon vĂ©hicule. Comme si elle n’avait plus la force de voler assez haut.

Et puis, au dernier feu rouge, j’ai tournĂ© Ă  gauche en regardant mon GPS d’un oeil et la route de l’autre. Un petit parking tout en bĂ©ton m’attendait 300m plus loin. J’étais arrivĂ©e.

Cette patiente dĂ©sagrĂ©able 😡

L’endroit Ă©tait nouveau pour moi. Quelques regards jetĂ©s dans chaque recoin du parking m’ont permis de repĂ©rer l’entrĂ©e du laboratoire. En haut d’un immense escalier, lui aussi en bĂ©ton.

ConfinĂ© entre un restaurant asiatique et un opticien, une porte blanche avec un Ă©criteau vieilli signalaient une entrĂ©e peu accueillante. Humide de la tĂȘte au pieds, je me rappelle avoir levĂ© les yeux vers le haut des escaliers en voulant presque renoncer. J’ai fini par renoncer Ă  mon renoncement et je suis montĂ©e. En haut des marches, une femme d’un certain Ăąge, visiblement fatiguĂ©e et Ă©prouvĂ©e par la chaleur s’est mise Ă  me fixer avec dĂ©pit.

- “Le laboratoire est fermĂ©â€, m’a-t-elle lancĂ©, les sourcils froncĂ©s. Comme si un drame venait de se produire et qu’elle avait Ă©tĂ© chargĂ©e de me l’annoncer.

Comme je ne crois que ce que je vois, j’ai poliment rĂ©pondu :

- “Ah bon, c’est Ă©trange ça”, tout en m’avançant vers la porte qui s’est ouverte du premier coup et sans effort.

- “Mon Dieu je suis dĂ©solĂ©e je vous ai dĂ©rangĂ©e pour rien !”

- “Mais vous ne m’avez pas du tout dĂ©rangĂ©e, de toutes maniĂšres je devais rentrer !”

- “Je suis fatiguĂ©e et j’ai les neurones fondus”

J’ai souri.

La femme a ajouté :

- “Il faut un masque, zut; j’ai oubliĂ© le mien, vous croyez qu’ils en donnent ?”

- “Demandez-leur Madame, sĂ»rement !”

Nous faisons quelques pas et lisons sur la premiĂšre feuille A4 d’une longue sĂ©rie, que le laboratoire ne donne pas de masques. Etant donnĂ© la suite des Ă©vĂšnements, je pense qu’ils auraient aisĂ©ment pu ajouter un : “PS : allez vous faire foutre”.

Nous aurions été dans le ton.

La femme redescend les interminables marches de l’escalier bĂ©tonnĂ© Ă  la recherche d’un masque.

Quelques minutes plus tard, alors que je suis en train d’enregistrer mon dossier, je la vois Ă  nouveau enfin s’avancer vers une secrĂ©taire mĂ©dicale, encore essoufflĂ©e par ses ascensions rĂ©pĂ©tĂ©es.

Je souris intĂ©rieurement et me concentre sur mon interlocutrice quand je l’entends crier :

“Putain ça fait deux fois que je monte”, avant de repartir sans prĂ©avis, visiblement en colĂšre.

Elle s’était trompĂ© de laboratoire.

La secrĂ©taire mĂ©dicale m’a regardĂ©e en levant les yeux au ciel, sans doute agacĂ©e par cette femme soudainement dĂ©sagrĂ©able qui marmonnait derriĂšre son masque sans faire l’effort d’articuler.

Il lui aurait suffit de voir les 10 minutes qui avaient prĂ©cĂ©dĂ© cette scĂšne pour comprendre l’épuisement et le dĂ©sarroi de cette patiente Ă©prouvĂ©e.

Avant qu’elle ne s’en aille dĂ©finitiement, je l’ai regardĂ©e avec empathie derriĂšre mon masque et lui ai offert un :

“Courage !” en souriant avec les yeux.

Elle a souri avec les siens et a empruntĂ© pour la 3e fois les escaliers infernaux de l’étrange laboratoire.


Ce mĂ©decin acerbe 😈

Mon dossier tout juste terminĂ©, une femme mĂ©decin derriĂšre moi m’assĂšne un :

- “Suivez-moi !” .

Un peu anxieuse et pas aidĂ©e par l’ambiance hostile des lieux, je la suis.

- “Entrez dans cette cabine, fermez la porte, dĂ©shabillez-vous !”

Je m’execute. Il fait trop chaud pour riposter.

Le mĂ©decin m’indique comment m’allonger et regarde mon cou avec indignation :

- “Il va falloir me retirer tout ça là.”

Je touche mes médailles et chaßnes du bout des doigts et je lui dis un peu inquiÚte :

- “Ce sont des chaünes difficiles à enlever, mais
”

- “Vous les enlevez”.

Je me concentre sur l’objectif de l’examen et j’essaie de passer outre.

J’éprouve une rage presque incontrĂŽlable contre ces professionnels de santĂ© que je connais trop bien et qui semblent se fixer l’objectif personnel de traiter chaque patient le plus mal possible.

AprĂšs quelques difficultĂ©s, j’arrive Ă  retirer toutes mes chaĂźnes et je m’installe.

L’examen se fait dans un silence de mort, hormis quelques ordres brefs plus secs encore que ceux que j’ai pu expĂ©rimenter lors de mon court passage Ă  l’armĂ©e.

Je finis par me rhabiller aprĂšs avoir tentĂ© un Ă©change et m’ĂȘtre fait rembarrer.

Je repense à la patiente désagréable de mon arrivée.

Et je me demande 
 ce que cette femme mĂ©decin a pu vivre (endurer ?) les 10 minutes, semaines ou annĂ©es passĂ©es, pour ĂȘtre si dure et dessĂ©chĂ©e.


Cette secrétaire médicale robotique

De retour dans la salle d’attente, je regarde autour de moi et je note sur mon tĂ©lĂ©phone la sĂ©rie d’interdictions et de formulations nĂ©gatives affichĂ©es sur toutes sortes de panneaux ou feuilles placardĂ©es Ă  vau-l’eau :

  • “Ne pas rentrer ici”

  • “Ne pas venir accompagnĂ©â€

  • “Ne pas baisser son masque ou le retirer”

  • “Ne pas prendre les rapports posĂ©s sur ce rebord”

  • “Ne pas vous avancer avant d’avoir Ă©tĂ© appelĂ© par une secrĂ©taire”

  • “Ne pas tĂ©lĂ©phoner”

  • (
)

Je suffoque.

đŸ„”

La secrĂ©taire ne m’appelle toujours pas.

J’assiste alors à une scùne ubuesque avec une patiente qui se voit refuser un examen faute de paiement du dernier.

Je regarde les secrĂ©taires mĂ©dicales derriĂšre la 1Ăšre couche barriĂšre : leur vitre, puis la 2Ăšme : leur masque, enchaĂźner les interactions difficiles. Les cas particuliers semblent si frĂ©quents qu’ils en deviennent ordinaire.

Je repense à mon micro jugement en arrivant. Et me rappelle les avoir trouvées dures elles aussi, puis je choisis de regarder la scÚne différemment.

Je finis par prendre l’initiative folle de m’avancer sans avoir Ă©tĂ© appelĂ©e đŸ€Ą et je prends soin de formuler ma demande avec un ton posĂ© et compatissant.

La femme me rĂ©pond calmement et s’excuse de ne pas m’avoir appelĂ©e plus tĂŽt.

Elle ne peut pas me donner mon compte-rendu, la radiologue n’a pas imprimĂ© les bons documents et refuse de rectifier son erreur (poke femme mĂ©decin enragĂ©e).

J’ai du mal Ă  comprendre l’intensitĂ© des 30 minutes que je viens de vivre et la densitĂ© de frustration de toutes ces femmes et hommes Ă  fleur de peau.

En colùre et sur l’offensive.

Je me lance alors dans ce que je crois savoir faire de mieux : “du cheap talk empathique” !

C’est radical, si vous ne connaissez pas : usez et abusez-en !

C’est l’art de parler de faire parler son interlocuteur pour lui offrir un sas de dĂ©compression. Un espace de lĂącher prise. Une minute d’humanitĂ©.

Je crois que Socrate est bel et bien la source principale de mon inspiration professionnelle pour la puissance de sa maĂŻeutique : ces questions simples et prĂ©cises qui permettent Ă  l’autre d’accoucher de lui mĂȘme.

Parfois ce sont des questions profondes. Parfois légÚres.

Dans tous les cas elles permettent un dialogue non violent qui fait des merveilles.

La secrĂ©taire mĂ©dicale m’a naturellement confiĂ© qu’elle avait chaud tout le temps; qu’elle Ă©touffait derriĂšre son masque; que ce n’était pas facile de rester calme et concentrĂ©e de 9h Ă  19h, tous les jours, face Ă  d’autres personnes elles aussi chargĂ©es de leur journĂ©e.

J’ai souri avec les yeux une nouvelle fois; rĂ©cupĂ©rĂ© mon compte-rendu et je me suis dirigĂ©e vers ces infĂąmes escaliers pour retrouver mon four roulant.

En rentrant et malgrĂ© tout ça : toute cette chaleur Ă©crasante; toute cette humanitĂ© Ă©crasĂ©e; toute cette nature Ă©touffĂ©e; tous ces examens qui scandent mes semaines, mes mois, mes vacances qui n’en sont pas, je me suis dit que cette tranche de vie valait bien une missive.

Parce qu’on ne sait jamais vraiment bien qui sont les gens.

Et parce qu’il est nĂ©cessaire d’oser l’échange pour combattre les prĂ©jugĂ©s, les incomprĂ©hensions et la violence.

Nous avons tous le pouvoir de changer le monde qui nous entoure par nos mots et notre regard : la maïeutique est pour cela une précieuse aide.

Sur ce, je vais remettre mes chaßnes et mes médailles. Déjà quelques heures sans elles et je me sens privée de ce je ne sais quoi


PS : vous avez dĂ©jĂ  Ă©tĂ© surpris par la rĂ©alitĂ© d’une personne (vs son apparence) ?

Leave a comment

đŸȘ„

đŸ’«

💙

Marie - www.benditlikesocrate.com

Share this post

Faux semblants

missivebils.substack.com
Comments
TopNewCommunity

No posts

Ready for more?

© 2023 Bend It Like Socrate (BILS)
Privacy ∙ Terms ∙ Collection notice
Start WritingGet the app
Substack is the home for great writing