Chères lectrices, Chers lecteurs,
Je veux vous parler de force.
Pas celle que l’on mesure au développement d’une musculature, à l’intensité d’une prosodie ou à l’assertivité d’un regard.
Pas celle que l’on voit, que l’on entend ou que l’on perçoit.
Pas celle qui impose l’unanimité par son évidence.
Mais celle que personne n’a vu venir.
Tranquille, humble et discrète.
La force de celle ou de celui qui n’a rien à prouver et qui s’exprime au bon moment.
Aux antipodes de la cacophonie des réseaux sociaux, du grande-gueulisme* qui se répand comme un virus à SRAS et des défilés tonitruants de torses bombés un peu vulgaires qui parsèment notre monde et nos écrans.
Il faut que je vous raconte cette histoire…
Vous allez mieux comprendre.
*néologisme très assumé
Un jour d’escape game …
J’étais dans la voiture du directeur de la logistique d’une ancienne boîte dans laquelle je suis restée salariée 5 ans, en direction d’une après-midi de team building.
La culture de l‘entreprise était si inexistante que ce genre d’activité ressemblait à un pansement sur une plaie ouverte, mais l’évènement avait été organisé par des collègues motivées et bienveillantes.
Raison suffisante pour que cela en vaille la peine et pour me motiver (😈 je râle mais pas tout le temps et pas pour rien).
Je chantonnais à l’arrière du véhicule quand une ancienne nana de mon équipe marketing s’est retournée de sa place avant droite en riant :
“Mais Marie, tu devrais t’inscrire à The Voice !”
Eric, le directeur de la log qui conduisait a souri en renchérissant avec soutien ;
“Mais elle chante bien, laisse-là ! “
Ma collègue étant de nature un peu serpentine, je ne savais pas bien si sa reflexion était du lard ou du cochon. Elle a ajouté avec un entrain presque crédible :
“Mais je suis sérieuse, c’est vraiment bien !”
J’ai choisi de la croire et elle s’est jointe à moi, en choeur.
L’ambiance était bonne et l’éloignement des bureaux déjà bénéfique.
Nous avions rendez-vous pour un escape game à une vingtaine de minutes des QG de l’entreprise. Une trentaine d’autres collègues étaient en route également, répartis dans les voitures des boss de nos différents services.
Une fois tous arrivés, les organisatrices de l’évènement nous avaient rassemblés pour nous annoncer que les groupes avaient été tirés au sort et que nous avions pour défi de réussir l’escape game peu importe notre niveau de proximité ou d’entente avec nos co-équipiers.
Sur le moment, ce genre d’annonce avait suscité plus de frustration que d’enthousiasme. Surtout quand nous avions réalisé que le patron de la boîte avait exigé de constituer sa propre équipe au préalable et de faire l’escape game le plus facile pour être sur de gagner. Je me souviens avoir hésité entre rage et mépris à l’époque.
L’exemplarité est une qualité rare.
Malgré tout avec recul, je trouve aujourd’hui l’idée bonne. Apprendre à faire équipe avec des êtres de nature inconnue, différente, voire que l’on apprécie peu, est un défi humain intéressant et probablement essentiel à relever.
Nous étions tous là, regroupés à attendre la sentence de notre placement quand l’une des filles a enfin prononcé mon nom :
“Marie, dans l’équipe bleue !”
Andiamo. J’étais avec un manager que je connaissais et que j’aimais bien. Et quelques collègues que je croisais rarement et que je connaissais mal.
Peu importe, j’étais survoltée.
J’adore ce genre de défis où il faut réfléchir vite.
Et j’aime gagner :)
Nous étions tous prêts.
Les sabliers se sont retournés, les portes se sont fermées, le jeu a commencé.
Je me rappelle cette petite pièce noire dans laquelle nous étions plongés dès le départ à 6. Le début était assez laborieux. Il y avait les excités qui cherchaient dans tous les sens, les pétrifiés qui ne bougeaient plus en attendant un miracle et les stoïques qui glissaient une suggestion ici et là.
Lucas, le manager, jouait intensément son rôle de manager, ce qui était assez amusant d’ailleurs puisque nous étions sensés être en terrain neutre de toutes formes de rapports hiérarchiques. Et moi mon rôle d’employée qui n’envisageait pas une seule seconde de perdre.
La pièce noire du début s’était éclaircie au fur et à mesure; c’était une bibliothèque. Je me rappelle tous les indices cachés dans les pages d’un livre. Les jeux de mots à trouver; les énigmes à élucider et les étapes à valider pour que la pièce s’éclaire toujours un peu plus.
Une fois la bibliothèque parcourue en long, en large et en travers, une grande porte s’était ouverte sur une deuxième petite pièce singulière.
Il y avait un couloir assez étroit qui longeait une cellule délimitée par un grillage en fer solide. Une sorte de cage.
Dans le couloir : quelques caisses, une balance, des livres anciens et une affiche au mur.
Dans la cellule : un dispositif étrange de trous au sol, devant un mur le long duquel pendait une corde avec un cylindre attaché à son extrémité.
Lucas et moi étions de loin les plus actifs pendant la première demie-heure du jeu et petit à petit, les autres avaient su prendre le relais. Je crois que j’ai vraiment réalisé à ce moment là le pouvoir de l’intelligence collective et du travail d’équipe. Nous avancions bien. Nos doutes ne duraient pas longtemps et il y avait toujours quelqu’un pour suggérer une idée à laquelle les autres n’avaient pas pensé. Jusqu’à ce que nous nous retrouvions devant le grillage de la cellule.
Nous étions face à un mur. La seule façon de poursuivre le jeu et de le finir était de lancer une boule dans les trous au fond de l’espace grillagé.
Les hyper actifs du groupe dont je faisais partie se sont mis à tenter le coup.
Nos tirs étaient catastrophiques et loin du but.
J’avais été comme un poisson dans l’eau depuis le début devant toutes les énigmes à résoudre mais je me retrouvais désarmée derrière cette cage, avec cette boule à la main et ce trou inaccessible au fond d’une cage maudite qui semblait bien nous rire au nez.
Puis tout à coup, au milieu d’un silence rare, Yannick s’est avancé.
Yannick c’était un peu le sosie de Johnny. Le mec du service de la logistique super droit. Qui faisait son boulot et qui ne demandait rien à personne. Qui fumait sa clope à horaires fixes et qui ne se mettait jamais en avant.
Sauf là.
Il s’est avancé et nous a dit :
“Je fais de la pétanque en compétition, je peux essayer ?”
Nous nous sommes regardés stupéfaits. Le pire c’est que nous le savions tous, mais nous n’avions pas pensé une seconde à d’autres talents que ceux de nos cerveaux surchauffés.
Yannick a pris la boule, fixé la cible, étiré son bras vers l’arrière pour prendre un peu d’élan.
Nous avions tous le souffle bloqué. Personne ne disait rien.
Yannick a tiré.
Yannick a marqué.
L’équipe a hurlé !
En un seul coup, le membre le plus silencieux de l’équipe nous avait sorti d’une impasse ! Une fois la boule rentrée dans le trou, la corde avait lâché et le cylindre en plastique avait roulé vers nous. Il contenait une clé. L’ultime et dernier sésame pour sortir de la salle à temps.
Dieu sait si j’ai gardé des souvenirs mitigés de ces 5 années.
Certains beaux et bons, d’autres terrifiants. Mais cette histoire d’escape game avec Yannick, pourtant si anodine, m’avait marquée. J’étais noyée dans le marketing et les apriori que l’on porte souvent à ce métier. Yannick avait un métier de terrain, balisé et cadré, à l’inverse du mien.
Il était taiseux et humble; j’étais bruyante et orgueilleuse.
Et c’était lui qui avait trouvé la clé.
Depuis, l’eau a coulé sous les ponts …
…Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Le Pont Mirabeau (Guillaume Apollinaire)
Devenez le maillon fort que vous voulez être …
Après cette incartade poétique, j’aimerais pour finir vous laisser partir avec le message ultime de cette missive.
Et rebondir sur une publication Linkedin récente qui m’a fait réfléchir.
Cette publication incitait la plupart à regarder le vivant pour mieux le comprendre, mieux le connaître et mieux l’aimer.
Ce que j’approuve de toute évidence au vu de la quantité de publications que je fais dans ce sens.
Mais elle listait également les métiers favorables à notre monde tout en encourageant ceux qui hésitent, à oser la reconversion.
Chose que je désapprouve.
Je crois que l’humanité doit se réinventer pour survivre mais je ne crois pas qu’elle doive s’agglutiner dans une liste exclusive de 10 métiers (aussi beaux soient-ils)
L’écriture, par exemple, n’en faisait pas partie. Pourtant :
Comment créer des mouvements positifs sans phrases persuasives ?
Comment faciliter les reconversions fructueuses sans livres, contenus et autres textes qui (r)éveillent ?
Comment cultiver l’espérance (si violente pour Apollinaire) et l’imaginaire sans livres et sans histoires ?
Comment transmettre sans écriture ?
Comment éduquer ?
Comment déclarer son amour sans mots à la hauteur ?
Comment exprimer ses émotions, se dévoiler, se mettre à nu, oser la rencontre, sans mots ?
Je pourrais écrire une liste infinie des vertus de l’écriture, même…surtout dans un monde qui brûle.
Mon maillon fort à moi se trouve là. Dans mon clavier, mes carnets, mes mots et mes histoires.
Dites-moi où se trouve le vôtre ?
💙
Marie
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